1. Intitulé du scénario pédagogique
Rédiger un développement construit à l’aide de l’IA.
2. Présentation du projet (constats, problématique, cycle, niveau, place dans le programme) .
« Je ne suis pas contre l’IA, mais contre tous les faussaires qui peuvent s’en servir ». Cette phrase prononcée par Michel Onfray témoigne d’un sujet sociétal clivant qui apparaît source de nombreux débats plus ou moins virulents.
Ce thème fait couler beaucoup d’encre. Il interroge autant qu’il effraie, en particulier dans le domaine de l’éducation. D’ailleurs, en octobre 2024, Historia lui accorde la Une de son magazine. L’Intelligence Artificielle s’est donc immiscée dans nos vies. Ainsi, elle doit être appréhendée sous divers angles, notamment celui de l’usage réfléchi en tant que levier au service des apprentissages. Dès lors, l’enseignant peut mobiliser cette dernière pour développer les compétences des apprenants dans un contexte par exemple de préparation à un examen certificatif.
C’est pourquoi, nous pouvons nous pencher sur l’utilisation de cet outil dans le cadre de la rédaction d’un développement construit répondant à un sujet.
Pour cela, nous partirons du postulat selon lequel aujourd’hui, de plus en plus d’élèves rencontrent des difficultés dans la réalisation de cet exercice obligatoire. En effet, le passage à l’écrit pour retranscrire les idées, mais également les structurer (classement et hiérarchisation) reste un frein important. Un constat qui se retrouve dans les copies du Diplôme National du Brevet. En conséquence, l’IA peut être utilisée comme un instrument d’accompagnement vers la réussite de cette tâche.
Dans cette optique, présentons une activité pédagogique en 2 séances (2h au total), mise en œuvre dans une classe du niveau 3ème (cycle 3) entre le 25 et le 27 mars 2025, sur le sujet d’étude de « l’État français : un régime antirépublicain et collaborateur ». Celle-ci s’inscrit dans le cadre du premier thème d’histoire intitulé « L’Europe, un théâtre majeur des guerres totales (1914-1945) », plus précisément dans le chapitre portant sur « La France défaite et occupée : régime de Vichy, collaboration et Résistance (1940-1944) », dont la problématique séquentielle est la suivante : quels sont les fondements du régime de Vichy et comment la Résistance défend-elle les valeurs républicaines face à ce dernier ?
3. Capacités et compétences visées
La pratique répond à plusieurs objectifs :
- Tout d’abord, de contenu avec l’acquisition : de notions (telles que : régime autoritaire, collaboration, antisémitisme), de repères chronologiques importants (comme : le régime de Vichy, mise en place du STO, la rafle du Vel d’Hiv) et d’informations sur un personnage important (le Maréchal Pétain).
- Ensuite, d’apprentissage. Dans une logique spiralée, la compétence majeure visée est « pratiquer différents langages en histoire», mais c’est aussi l’occasion de travailler de manière secondaire : « analyser et comprendre des documents » et « s’informer sur le monde du numérique ».
L’exercice proposé portant sur le développement construit, les apprenants vont rédiger pour répondre à une question ouverte afin d’expliquer une situation historique.
En somme, cela renvoie à diverses capacités du Bulletin Officiel en lien avec la compétence majeure, comme : écrire pour construire sa pensée, son savoir, pour argumenter et écrire pour communiquer et échanger ; s’approprier un lexique spécifique ; ou encore s’initier aux techniques d’argumentation.
D’autre part, les élèves peuvent : exercer leur esprit critique sur les données numériques et apprendre à utiliser des outils numériques.
4. Description de la pratique : mise en apprentissage des élèves et action de l’enseignant.
L’activité est menée de manière collaborative en 6 équipes constituées préalablement par l’enseignant pour favoriser la différenciation pédagogique. Chaque groupe se concentre sur une des 6 thématiques en lien avec la consigne type-DNB suivante :
Sous la forme d’un développement construit, montrez que l’État français est un régime antirépublicain et collaborateur entre 1940 et 1944 en France.
La 1ère heure s’articule autour d’une démarche inductive avec la mobilisation des connaissances utiles à la rédaction en prélevant et mentionnant des informations extraites d’un corpus documentaire (composé de sources écrites et iconographiques sélectionnées en amont par le maître) dans le but de répondre à des questions-étapes. Une fois les réponses validées par le professeur, des élèves dits « rapporteurs » complètent grâce à des tablettes tactiles (fournies par l’établissement) un tableau synoptique commun sur les diverses caractéristiques du régime de Vichy, élaboré par le professeur, puis partagé via un logiciel de partage de documents. Ce document est projeté en classe grâce au vidéo projecteur interactif.
Dans la 2ème heure, les équipes « changent de langages ». Elles prennent appui sur les informations de ce fichier et utilisent une IA conversationnelle (dans une version gratuite, sans possibilité d’identification) pour rédiger des phrases ou paragraphes afin d’élaborer progressivement leur développement construit. Ici, la démarche doit faciliter la retranscription des idées à l’écrit.
5. Action de l’enseignant
Au cours des séances, l’enseignant doit alterner plusieurs postures :
- Piloter pour que les équipes avancent en synchronie et que le cadre soit propice au bon déroulement des tâches.
- Accompagner en offrant une aide ponctuelle (possibilité de donner des cartes « coup de pouce »).
- Lâcher-prise pour que les élèves puissent expérimenter en étant réellement les acteurs de leurs apprentissages.
6. Bilan de la mise en œuvre :
D’emblée, un constat s’impose sur la nécessité d’avoir une préparation méthodique des 2 séances ; autant dans la gestion du temps, que dans l’attribution des rôles dans les groupes ; pour que celles-ci ne deviennent pas trop chronophages dans la programmation. Bien entendu, le découpage temporel peut/doit être adapté en fonction des contextes.
Les conditions matérielles adéquates aidantes, la classe s’est distinguée par sa motivation, ainsi que sa réceptivité face à cette manière de « ludifier » une tâche rédactionnelle. Les groupes se sont distingués par leur autonomie car certains jeunes avaient déjà eu recours à l’IA auparavant, notamment pour réaliser des devoirs à la maison. Leur expérience a donc profité aux autres, ce qui a favorisé dans la majorité des cas de belles productions.
Un point de vigilance doit être mis en exergue sur l’usage du Chatbot. Des apprenants sont tentés de taper directement le sujet du développement construit et de recopier celui fait par « l’agent conversationnel » qui ne respecte ni la méthode donnée en classe, ni les informations tirés des ressources travaillées en amont. Ce cas a d’ailleurs été visible dans quelques copies.
Néanmoins, il est dommage que cette activité n’ait eu qu’un impact limité sur les rédactions faites dans le cadre de l’évaluation sommative de fin de séquence. Très peu d’élèves ont réinvesti les apports. Dès lors, il serait intéressant de mettre en place un temps de métacognition pour inciter ces derniers à réfléchir sur la tâche, ainsi que leurs actions.
Auteur : T. Butler
Courriel académique : tudi.butler@ac-dijon.fr